Les Jeux
Au Moyen Âge, les jeux physiques ont connu une grande faveur dans notre pays. Si on distingue souvent les sports de l'aristocratie des sports pratiqués par les classes sociales moins élevées, la plupart des jeux casse les disparités sociales et passionnent indifféremment tous les Français, du roi au plus humble des vilains.
Des jeux pour une société d'ordreLa société médiévale était une société d'ordre : la société était composé de trois classes caractérisées par des fonctions déterminées : les travailleurs, les hommes de prière et les guerriers.
Ces ordres se sont appropriés les différentes activités de la société et, parmi elles, les activités physiques. En effet, parmi les jeux physiques :
* certains appartiennent exclusivement à la noblesse : les tournois, les joutes, la chasse.
* d'autres sont plus des pratiques populaires : la soule.
* Quelques-uns semblent communs aux deux ordres : la lutte ou la quintaine.
* Enfin, tout le monde jouait à la paume y compris les ecclésiastiques !
Les sports de la noblesse : les jeux de la guerreLe noble, même si ses moyens ne lui permettent pas toujours de se faire armer chevalier, a pour principale occupation de se préparer à la guerre par des sports violents.
La chasse et la pêche*La chasse
La chasse était à la fois un excellent entraînement, un jeu passionnant et un sport utile (chasse nourricière), même si ce dernier aspect relève plus du "topos" littéraire que de la réalité. Les versions sublimées de la chasse sont en effet la chasse au renard et la corrida où l'acte de tuer est soit exécuté par un tiers, un chien, soit identifié à un acte de guerre. L'accent est en effet mis sur l'excitation des participants, malgré le fait qu'elle reste sciemment maîtrisée dans un cadre strict.
Elle se divisait en deux pratiques, la chasse au vol et la chasse à courre. Toutes deux exigeaient un équipement coûteux et un personnel nombreux.
La plus belle des chasses était la chasse au faucon : des rapaces de haut vol (gerfaut, faucon) ou de bas vol (vautour), minutieusement dressés, attrapaient des rongeurs et de grands oiseaux (hérons, grues, canards), voire de plus gros gibiers dont ils étaient entraînés à crever les yeux, permettant ainsi aux chasseurs d'achever ls sangliers, cerfs ou autres.
Frédéric II Hohenstauffen est le premier à exprimer clairement ce qui se généralisera au XIIIe siècle, à savoir la compétition existant entre les diffrents chasseurs, et qui expliquera que les chasses au vol se pratiqueront en groupe.
Les femmes n'étaient point exclues de ces pratiques. Elles aimaient d'ailleurs chasser et se faire représenter sur les sceaux le faucon au poing, à l'instar des jeunes nobles non encore adoubés.
La chasse à courre est associée depuis l'époque carolingienne aux prérogatives royales, et ce d'autant plus que les risques qu'elle représente font des triomphateurs de véritables héros. Les Capétiens reprendront d'ailleurs cette habitude de pratiquer la chasse, rehaussant ainsi leur prestige.
Par imitation, la noblesse va s'emparer de cette pratique et en faire un des traits marquants de son existence, défendant d'ailleurs par divers traités les qualités de cette activité et y répondant aux critiques d'ecclésiastiques roturiers n'ayant pas droit de chasser. La meute était également un des éléments caractéristiques de la maison seigneuriale avec ses chenils, ses dresseurs. Les chiens, particulièrement entraînés, étaient de taille et de race sélectionné.
Les magnifiques manuscrits enluminés du comte de Foix Gaston Phébus évoquent ces scènes de chasse, où l'on devait déployer mille astuces pour impressionner les gentes dames et les preux.
Il est tout de même à rappeler que la chasse n'est depuis le XIVe siècle plus réservée à la noblesse et que les codes forestiers indiquent les droits de chasse, payables par tous, qui assurent des rentrées conséquentes au Trésor royal. Mais il est vrai que ces droits n'étaient pas acquittables par n'importe quel roturier et en exigeait déjà une certaine aisance matérielle.
*La pêche
La pêche en rivière ou en étang était souvent aussi sportive, comme la pêche à la loutre ou au saumon, avec tridents, chiens et filets lestés de plombs.
Les exercices militairesDe nombreux exercices militaires venaient animer la vie quotidienne du château seigneurial.
* Á deux, on pouvait s'entraîner au
béhourd, sur un champ ou dans les lices du château, en s'élançant l'un contre l'autre, rompant des lances et tâchant de se désarçonner mutuellement.
* Parfois, on dressait
une quintaine, gros mannequin avec haubert et écu fixé sur un pieu enfoncé dans le sol ; les chevaliers tentaient au grand galop de renverser la quintaine en la frappant de leur lance au milieu de l'écu; On ne devait pas frapper plus de cinq fois d'où le nom de cet zxercice, la quintaine. Si le coup était dévié, le mannequin pivotait, et un de ses bras, muni d'ue forte lance envoyait le maladroit mordre dans la poussière. C'était un exercice de préparation au combat. Mais comme il était pratiquement sans risque il dériva et devint aussi un jeu de manants.
* Les jeunes s'entraînaient également à
l'escrime: au baton, à l'épée, à la lance, à la hache ou au marteau d'armes.
Mais l'entraînement majeur au combat se faisait dans les tournois et dans les joutes.
Pour l'historien Huizinga, le véritable sport de l'aristocratie médiévale c'est la guerre. En effet, ne pouvant continuellement guerroyer, elle se livre au tournoi ou à la joute, reproduction selon certains codes de la bataille réelle.
Toutefois la différence entre ces deux faits d'armes est aisée à cerner même si elles étaient initialement parties d'un tout. C'est avec le temps que ces deux pratiques se distinguèrent au point qu'à la fin du Moyen Âge les tournois tombèrent en désuétude au profit des joutes.
TournoisLors de leur apparition, au XIIe siècle, les tournois se livrent dans des "pièces de terre" non limitées par des barrières. Les lices servent pour leur part à déterminer les recès, lieux neutres destinés au repos des jouteurs. Les combattants se regroupaient selon leur provenance géographique et/ou leurs liens vassaliques. Alors qu'ils combattaient initialement avec leurs armes de guerre, l'usage commence à imposer l'utilisation d'armes émoussées qui limitent les risques de blessures graves. De même les limites sont de plus en plus précises jusqu'à devenir de véritables enclos dont la taille empêche la charge à la lance et oblige à l'usage de l'épée et de la masse. En effet comme pour la chasse, les usages évoluent vers une plus grande ritualisation des actions qui font plus sens par ce à quoi elles se réfèrent que par ce qu'elles offrent à voir en première lecture.
Chaque combattant était reconnaissable à son timbre et à sa bannière.
les spectateurs s'entassaient dans des hourds, sortes de tribunes, dominant l'enceinte entourée de lices de bois ou de champs clos.
Les tournois et les joutes étaient ordonnés selon des règles très strictes :
* Présentation des champions et des bannières
* Armement du chevalier par le soin de l'écuyer
* Choix de la dame
* Des hérauts d'arme donnaient le signal des combats.
* Les vaincus devaient abandonner leurs chevaux, leur harnachement, ou payer rançon, en fonction des règles édictées à l'occasion de l'affrontement. Les vainqueurs, outre le prix accordé au plus vaillant (faucon dressé, couronne, mouton doré) et le prestige dont ils jouissaient auprès de leur dame, pouvaient également gagner un bon pactole.
"Pour quantités de chevaliers, guerre et tournois c'est tout un" Georges Duby
Ainsi, les jeunes en mal d'aventure et fe fortune faisaient souvent la tournée des lices. On connaît l'exemple de Guillaume le maréchal, grâce à la biographie qu'en a fait l'historien Georges Duby : ce baron anglais, en quelques mois, triompha avec un associé de 203 chevaliers.
Le combat était si rude que le maréchal parfois, ne pouvant plus retirer son casque, dut aller le faire décabosser, à grands coups de marteaux chez le forgeron
Georges Duby, citant les écrits de Jean le Trouvère, détermina la zone de prédilection des compétitions, limité par Fougères, Auxerre, Épernay, Abbeville.
Le tournoi et ses coutumes influencèrent les guerres. Et même «pour quantité de chevaliers, guerre et tournoi c'est tout un.»(G. Duby).
«Un chevalier ne peut y briller (à la guerre) s'il n'y est préparé par les tournois. Il faut qu'il ait vu son sang coulé , que ses dents aient craqués sous les coups de poing, que, jeté à terre, il y ait senti le poids du corps de son adversaire et, vingt fois désarçonné, que vingt fois il se soit relevé de sa chute, plus ardent que jamais au combat.»(Roger of Hoveden)
Les joutesProvenant de l'habitude littéraire d'individualiser la relation des combats en mettant l'accent sur une série de duels plus que sur l'affrontement de deux groupes, la joute était un duel où l'on se battait seul à seul et l'on pouvait finalement mieux montrer ses capacités. La joute se courrait au meilleur des trois lances. Souvent on rompait les lances.
Les pas d'armesDisputés selon des règles similaires à celles des joutes, ils consistaient en la reproduction de faits légendaires ou historiques au cours desquels des héros avaient défendus des passages. Cette caractéristique explique que nombre de pas d'armes ait été disputés dans des villes et sur des ponts.
Si les joutes et les tournois étaient pratiqués exclusivement par les hautes classes de la société, le jeu de paume passionnait tous les Français, du vilain au roi.
Jeux de balles et jeux de mains Le jeu de paumeCe jeu est connu puisqu'il se présente comme l'ancêtre du tennis.
Le jeu de paume est connu dans notre pays dès le XIe siècle. Il s'agissait de renvoyer avec la main la balle par-dessus une corde puis plus tard un filet à son ou ses adversaire(s).
Vers 1450, après que l'on eut joué uniquement à main découverte ou avec un gant, on eut l'idée d'utiliser des cordes et des tendons afin de renvoyer la balle plus facilement ; ce fut l'invention de la raquette.
Érasme écrit, que «l'on compte par quinze, trente, quarante ou avantage. On renvoie la balle de volée après le premier bond ; au second le coup est mauvais». Ainsi furent définies les règles du futur tennis, mot dérivé du français «tenez».
En plein air on utilise la longue paume et en salle la courte paume. Cette salle c'est le tripot ou jeu de paume. La forme la plus ancienne est la longue paume qui se joue sur un terrain de terre battue d'environ 80 m sur 15 m.
En effet on jouait à la paume, nous dit Jusserand, dans toute la France et quelque soit le temps, même pendant les guerres, par tous, des vilains jusqu'au roi. Dans une chronique de Geoffroi de Paris, on peut lire à propos du roi Louis X le Hutin :
Il avait joué à un jeu
qu'il savait
Á la paume
Si but trop froid et se boua
Là il perdit plumes et pennes
Autrement dit il trépassa
Le jeu de paume a donc passionné les français à tel point d'ailleurs que, de même que pour les tournois, des ordonnances d'interdictions - hors le dimanche et les jours fériés - furent promulgués sous le motif que l'on y perd son temps : «Les religieux même se laissaient entraîner, et le Concile de Sens leur interdisait, en 1485, de jouer à la paume surtout en chemise et en public.»
La soule ou la chouleLa soule poussée au mailletLa soule, ou choule, est le jeu populaire par excellence. Le plus souvent il opposait deux paroisses. Á l'occasion d'une fête chacun des deux villages composait une troupe. Le but du jeu consistait à faire pénétrer une grosse balle de cuir, la choule, dans le camp opposé.
Mais ce n'était pas qu'un jeu populaire. Les rois aussi jouaient à la choule.
Il semble que ce soit d'abord dans la région nord-ouest de la France que l'on joue à la choule. La soule existait aussi en Angleterre sous le nom de Hurling over country, puis de football. D'après Jusserand, ce jeu proviendrait de la Normandie, car tout ce qui «était jeu, amusement, délassement en Angleterre était, au Moyen Âge, d'origine normande ou angevine».
En Italie on pratique le calcio, jeu qui tire son nom du pied (cf.Mercurialis (1530-1606), De arte gymnastica).
Les autres jeuxOn pratiquait aussi :
* le crosse, très appréciée des jeunes, semble-t-il. La crosse était un bout de bois courbé à sa partie inférieure dont on se servaitt pour pousser une balle. Le jeu serait l'ancêtre de nombres d'autres : le golf, le hockey, le mail, le cricket.
* la lutte, sport très populaire, particulièrement en Bretagne, où le dimanche après midi on lutte sur la place du village. Seigneurs et rois luttent aussi, car dans la guerre «l'habilité à la lutte était si importante qu'elle compensait parfois le défaut d'expérience militaire». On se battait souvent en effet au corps à corps.
* la cournée, jeu extrêmement dangereux. Il consistait à lancer à l'adversaire des projectiles de pierre.
* le tir à l'arbalète et le tir à l'arc recommandés par les souverains pour pouvoir disposer de troupes efficaces. Les sociétés de tir dans les villes et les villages français bénéficiaient ainsi d'un certain nombre d'avantages (exemption d'impôts...).
Mais tous les jeux n'étaient pas des jeux guerriers. Ainsi les sources iconographiques nous montrent que les hommes du Moyen Âge, qui nous semblent si loin de nous, pratiquaient aussi les sports d'hiver et la natation.
Document de l'Université.
Etudiant : Lealisa
Maître : Guillaume_de_Jeneffe
Source : B. MERDRIGNAC, Le sport au Moyen Âge, Presses universitaires de Rennes, 2002